Plume de sang
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Plume de sang

Confrérie des plumes de sang
 
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 L'appartement

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Plume




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MessageSujet: L'appartement   L'appartement Icon_minitimeVen 14 Juil à 10:09

Une brise fraîche flottait dans la chambre. Les murs d’un rose délavé par l’humidité accablante, le tapis effiloché et taché par le vas et viens des semelles sales n’altéraient en rien le sentiment de la première possession territoriale. Aujourd’hui, cinquante pieds carrés au quatrième étage d’un immeuble ayant subit les ravages de la Crise ; demain, le monde.

Tandis qu’il plaçait les chaussettes dans son tiroir, il s’enivrait du silence, la tranquillité, l’apparente solitude que dégageaient les lieux. Véritable alcôve et lui dorénavant moine, il ne s’était encombrer que du nécessaire. La ville était déjà trop achalandée. Son chez-soi serait, en quelque sorte, l’échappatoire vers la vie équilibrée qu’il avait menée jusque-là. Pas question de perdre pied pendant ce saut définitif vers l’indépendance.

Sur un tabouret à son chevet, un vieux cadran prédisait en rouge clair l’heure qu’il serait dans soixante minutes. Il ne lui avait jamais touché, manipulé, et ce n’était pas après quatre ans de thérapie qu’il commencerait. Pour compenser à cet élan vertueux, il plaça à côté l’image d’une jeune fille châtaine qu’il enlaçait ; sa nièce. Il l’avait aimé, avait toujours été présent pour elle. Encore plus cette nuit où elle avait refusé sa caresse. Elle criait si fort que dans une pulsion de colère, il avait giflé cette joue de trois printemps, faisant décollé Atlas de son rôle de soutien. Personne ne lui en voulu, car personne ne savait vraiment qu’il était là. On expliqua cette mort par une chute de son lit.

Furtif, il suffisait qu’il palabre sur un sujet pour que tous discutent d’un autre. L’homme invisible avait un corps et c’était le sien. Tant de souvenirs, de moments passés à être ignoré lui faisaient l’effet d’une ribambelle démoniaque se riant de lui. Pris de nausée, il s’appuya tant bien que mal sur le tabouret, accrochant le cadre qui tomba sans un bruit, ne provoquant aucun tollé.

Quittant la pièce à grands pas, tournant brusquement le coin, il trouva le couvercle de la toilette levé juste à temps pour jaunir de bile l’eau de la cuve. Des remords entraînaient indubitablement une expérience douloureuse. Il sentait ses côtes s’entasser les unes sur les autres au même rythme que la contraction des muscles abdominaux qui éjectaient cette acidité de son corps. Ces quelques soubresauts intestinaux lui parurent une éternité tant il avait besoin de respirer en ce moment. Relevant finalement sa tête trempée de sueur, il n’osa regarder cette écœuranterie de peur d’y trouver son âme. Il s’était éloigné pourtant, il avait coupé les ponts pour atterrir dans une grande ville clémente qui pardonnait tous les péchés. Le passé ne s’occupait que de lui-même. À présent, il avait un futur à bâtir et ce n’était certainement pas en sortant d’ancienne chimère qu’il y arriverait. Il vivait un chemin de croix inverse. Après la passion, l’âge d’or pouvait bien commencer.

Sa route se poursuivit sur le balcon qui dominait le toit des échoppes environnantes. Seul bloc appartement du quartier commercial, il était isolé comme jamais auparavant. Au loin, un klaxon crevait la bulle de silence qui se désintégra sous l’appel des sirènes ambulatoires. On cognait à sa porte. Il pris tout de même le temps de regarder le ciel sans étoile, toutes apeurées par les atrocités qu’on narrait sur les villes. Meurtre, vol, séquestration, viol ; tous tentèrent de le décourager à poursuivre ce rêve insensé. Mais il était au sommet. Pas question de redescendre sans avoir savourer quelques instants la gloire.

On ne cognait plus. Sans doute la personne devait-elle attendre un quelconque signe de vie.

– Je viens ! Se surprit-il à crier sans penser une seconde à ses relations de voisinage.

Il prit le loquet de sécurité et le fit lentement glisser. Il se ravisa et jeta un coup d’œil à travers la meurtrière. Si jamais les rumeurs disaient vraies ? Celles-ci étant ce qu’elles sont, il ne vit personne. Soupirant, un peu de compagnie n’aurait pas été de refus, il défit tout de même le loquet et déverrouilla. La porte, sans doute trop grande pour son cadre, opposa une forte résistance avant de s’abattre bruyamment sur le mur.

Un colis et un bout de papier traînaient devant lui. Il retourna à la cuisine et revint avec des gants de vaisselles ; on n’est jamais trop prudent quand on sait ce qu’un colis inconnu peut contenir. Il prit doucement le bout de papier et le lu. C’était visiblement une écriture d’homme. Grosse, en bâtonnet, les lettres souvent erronées formaient un mot de bienvenue : son voisin, très certainement. N’entendant aucun bruite, il retourna à sa chambre en prenant grand soin de pousser tous les verrous.

Assis en tailleur sur son lit, il ouvrit le coli. Un serpent aux écailles sombres était en boule. Pris de panique, il jeta la boîte dans un coin de la pièce et s’en fut dans la cuisine. Quel était le but de cette mauvaise, odieuse, plaisanterie.

Le téléphone sonna, il se jeta littéralement dessus.

–Allô ?

Une voix grave mais enjouée répondit.

–Bonsoir, monsieur Leduc je présume ? Je suis votre voisin, c’est le propriétaire qui m’a donné votre numéro de téléphone. J’ai cogné tout à l’heure, mais personne n’a répondu. J’ai donc laissé un petit colis sur votre porche. J’espère que vous l’aimerez, c’est ma femme qui l’a…

–Espèce de cinglé ! Je vous ferai la peau à vous et votre prostituée ! Sachez que je ne me laisserai pas faire : je vais vous saigner ! Ça vous apprendra à envoyer des serpents, quant au votre je le couperai.

Une tonalité morne fut la seule réplique à sa crise nerveuse. L’important, c’était que le serpent était isolé. Il pourrait très bien passer une nuit confortable sur le divan. À moins que… non, il n’était pas assez bête pour…

Si, un véritable âne. La porte de la chambre était demeurée ouverte. À présent, le reptile d’une trentaine de centimètre pouvait être partout, libre d’accomplir ses méfaits.

Le téléphone sonna, il le débrancha. À dire vrai, il l’envoya s’écraser contre le mur conjoint avec l’appartement d’à côté. L’horloge de la cuisinière indiquait 12h06. Il restait peut-être cinq ou six heures avant le lever du soleil. D’ici là, pas question de sortir, la fine est trop mal famée.

Deux heures assis dans un coin de la pièce, les lumières grandes ouvertes, son corps mourrait et sommeil, mais la peur le ressuscitait à chaque battement de cil. Il lui restait quoi… trois heures d’attentes ? 180 minutes moins une seconde, moins deux, moins trois? À moins qu’il se soit trompé et que le soleil soit déjà levé ? Il rêvait peut-être ? Non, il ne rêvait pas. Cependant, regarder l’horloge signifierait négliger sa surveillance du côté opposé. Quel autre choix lui restait-il ? Les rideaux étaient fermés et la pièce illuminée comme le grand boulevard. C’était un risque à prendre. La fenêtre la plus près était à une dizaine de pas ; cinq s’ils étaient grands. Les yeux toujours rivés vers l’avant, sa main tâtait le comptoir en quête de la boîte de rangement des couteaux.

Ses muscles se raidirent, il pensait avoir touché le serpent. Il ne le croyait pas, mais son instinct l’alarma du contraire. D’un bon, il se releva prêt à affronter la mort. La fatigue avait dû détrôner la raison en faveur de l’illusion car ce n’était qu’un gant de vaisselle qui lui avait causé tant d’émois. Soudainement, il se mit à douter de lui, des derniers instants ; et si jamais…

Et si jamais le serpent n’avait jamais existé ? Si le stress et la fatigue avaient donné un aspect vivant à quelconque pâtisserie ? Il se mit à rire, sans forcer, inconfortablement. Son imagination, ce n’était qu’un coup de son imagination. Mais alors, son voisin : difficile d’expliquer son comportement désobligeant envers ce dernier. Demain soir, il l’inviterait souper au restaurant et ils repartiraient à neuf. L’anxiété de la première nuit… Il rit encore plus en pensant aux milliers de paranoïaques qui avaient déjà ressentis les mêmes angoisses.

Il pouvait enfin dormir, mais il coucherait sur le divan. Ça n’avait à voir qu’avec les ressors usés du matelas qui lui donnaient de terribles maux de dos. Du moins, c’est ce de quoi il se convainquit.

Il s’étendit donc, gardant les lumières ouvertes pour prévenir d’éventuels voleurs de sa présence, sur le divan, tout habillé dans l’éventualité où une évacuation d’urgence serait nécessaire, et s’endormis sans demander son reste. La planète bougeait, tremblait. Lui seul, dans son alcôve sereine, restait de glace devant les changements de cette vie démente qui filait sous ses yeux telle une maladie se propageant au corps entier sans jamais atteindre le cerveau, le plus haut, lui en ce moment.

Il berçait sa nièce, elle avait maintenant huit ans. Il cligna des yeux, elle en avait quinze. Il renifla, elle ridait à quarante ans. Il pleura, elle était immortelle. Il hurla, elle l’avait mordue !

Il se réveilla brusquement, se hâtant d’examiner son bras. Sous le choc, il n’entendit pas l’agent de police qui grognait derrière sa porte.

Les coups se firent de plus en plus violent, insistant. Il se précipita vers la porte à grands pas, comme s’il voulait effrayer une bête invisible, imprégner le sol de ses propres émotions par les vibrations du plancher. Ses deux mains tremblantes arrachèrent la chaînette et faillirent faire de même avec la poignée s’il n’avait pas, par heureuse inadvertance, accroché le bouton du verrou. L’officier, clone du policier que l’on voit aux infos de 18h, n’attendit pas que le pauvre homme détruise l’appartement pour s’inviter lui-même à entrer. Un deuxième homme, en pyjama bourgogne seconda le pas déjà intimidant du policier ; son voisin.

–Un… un serpent ! Il y avait un serpent dans son cadeau… De bienvenue mon œil !

Il se jeta quasiment à la gorge du petit bourgeois qui venait le narguer dans son espace vital. Ce fut cependant la sienne qui le retint. Pris d’une quinte de toux, il n’attendit pas la permission de ses invités pour ouvrir son armoire et y prendre le premier verre qu’il y trouva pour ensuite l’emplir d’eau et le caler d’un trait. Ça allait mieux à présent. La fraîcheur de l’eau, mis à part le goût consistant de celle-ci, lui avait redonné de la vigueur et dissout ses tourments. Ce fut un tout autre homme, quoique tout aussi inquiet d’avoir à faire avec les autorités et honteux d’en avoir voulu à son voisin qui arpentait la pièce tel un robot, qui revint à la charge, désolé.

Empruntant le ton du pécheur se confessant au prêtre, il dit nerveusement :

– Désolé, c’est ma première nuit en appartement, je suis nerveux, paranoïaque. C’est que j’ai cru voir un serpent en la présence de la pâtisserie que ma voisine avait faite expressément pour mon arrivée. J’ai été idiot, je le reconnais. Mais comprenez mon angoisse : c’est ma première nuit seul en ville.

Le voisin approcha et posa sa main sur l’épaule du condamné. Regardant le policier, il dit :
–Je retire ma plainte s’il promet de goûter à cette délicieuse brioche dès demain.

Le chiot hocha la tête, les yeux pleins d’espoir.

–Alors qu’à cela ne tienne, réagit le policier. Sachez cependant que si je vous y reprends, ce sera une nuit au poste.

Et il partit suivi de son ombre efféminée.

–Oh, et n’oubliez pas de verrouiller après notre départ ! Conseillèrent les deux hommes en chœur.

Ils se regardèrent et sourirent. La porte se referma sur leur discussion.

Apeuré par ce conseil, le pauvre homme se précipita dans sa chambre : il voulait avoir le cœur net. Au fond, près de ses boîtes à moitié vide, une autre plus petite dont l’ouverture faisait face au mur du fond reposait tranquillement.

–Un gâteau, ce n’est qu’un gâteau. De la pâte et de l’eau ; un tout petit gâteau.
Et il tourna vivement la boîte vers lui. Au fond, une pâtisserie, sûrement aux fraises à en juger par la couleur du glaçage, était tapie au fond. Il avait gagné, sa crainte était dissipée. Le poids des dernières heures se fit soudainement plus lourd. Si seulement il avait pu éviter d’attirer l’attention et faire comme à son habitude. Il se laissa tomber sur le lit, les ressorts épousant les fines courbes de ses épaules et de ses fesses où quelque chose le chatouillait. Si seulement tomber était toujours aussi agréable. Il se trémoussa et, juste au dessus des cuisses, le lit lui rendit la pareille. Il tourna la tête juste à temps pour voir filer les derniers centimètres d’un corps filiforme et écailleux.

Enragé, il sorti de la pièce. Pas besoin d’un couteau, il avait son bâton de baseball que son cousin lui avait offert ‘’au cas où’’. Quittant son appartement, il colla son oreille contre la porte du malfrat. Celui-ci parlait assez pour qu’il l’entende geindre :

–Mais tu l’as vu aussi bien que moi avaler cette araignée qui était dans son verre ! Il me fait peur, une nuit à la fraîcheur d’une cellule ne lui ferait pas de tort.

C’est à ce moment qu’il trouva assez de haine, mais surtout assez de courage pour faire irruption dans la pièce et voir le policier tâter la cuisse de son complice qui était collé contre sa poitrine.

Les deux semblaient tant savourer ce moment, seuls au monde. Des amoureux en pleine démonstration de passion ; c’en était ridicule. Il entra par derrière, comme ils se le faisaient chaque nuit et leva son bâton pour le sentir résister au niveau du cou du policier qui accota sa tête sur celle de son amant. Celui-ci, effrayé, leva la tête. Les yeux pleins d’eau, il ne pu dire qu’un début de pourquoi avant de recevoir un coup semblable à celui qui avait terrassé son ami.

Les deux corps inertes gisaient l’un près de l’autre. Il lâcha son bâton, plutôt le jeta, qui s’enfonça dans un mur dépeint par des années de négligence. Il tourna rapidement la tête, honteux, inquiet de la suite des choses qui n’allait pas comme prévu. C’est à ce moment qu’il vit le plateau en plastique de brioche aux framboises qui venait de l’épicerie du coin. Il n’en fallait pas plus pour qu’il conforte sa position ; ils l’avaient bien mérité. Mais qu’allait-il faire à présent ? Il venait de tuer un policier en service et un homosexuel menteur. La fuite, telle était la solution.

Prudemment, il sortit dans le corridor et s’aventura dans l’escalier qui criait au monde entier qu’un meurtrier tentait de fuir. Des valises ? Là où il allait, il n’en aurait pas besoin. Ses parents seraient certainement très heureux de voir revenir au foyer leur petit bébé.

Plus que trois étages, deux… u…

Il ne put compter le dernier. Aux aguets, certainement trop d’ailleurs, le grincement aiguë de la porte d’à côté lui fit le double effet de retourner sa tête et de presser son pas qui oublia de transférer le poids qu’il portait vers son coéquipier. La chute fut brève. À la quatrième marche, le rebord vint soutenir ses vertèbres cervicales dans leurs élans d’indépendance. Un tout petit bruit se fit entendre couvert par les cris de l’homme paniqué qui sorti de son appartement en criant :
–Ma vipère, j’ai perdu ma vipère !



FINIE!


Dernière édition par le Sam 5 Aoû à 16:47, édité 5 fois
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Alexace

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MessageSujet: Re: L'appartement   L'appartement Icon_minitimeVen 14 Juil à 21:18

merveilleux *clap* *clap*

Vraiment ses un personnage qui restera dans ma tete.
Mais qu'elle est le but de ce serpent !
Qui est au telephone !

Tout est si bien agencer, sa en es charmant pour mes pupilles.
Tu a la main digne de celle d'un futur beaudelaire.

J'adore l'intrigue, que je sens parfois cacher dans des tournure de phrase interessante qui font que l'on desire tant voir le reste de l'histoire pour assouvir ses questionnement subliminal integrer dans nos tete par une plume magique.

Ne tarde pas a transcrire le reste, car sinon je ne tarderai pas a venir cher toi pour te soustraire tes ecrits.

Cette histoire en passant, m'inspire grandement, j'aurais aimer en etre l'auteur.
Ses un debut tel les roman interminable et grandement interessant.
Tu peu autant mettre un fin sec, ou elaborer durant des milliers de pages.
Ses une histoire au possibiliter infinie tel es mon verdict.
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MessageSujet: Re: L'appartement   L'appartement Icon_minitimeJeu 27 Juil à 17:07

La fin approche! Plus qu'une page. Donc d'ici la fin de semaine, vous pourrez apprécier les subtilités que cette oeuvre renferme.
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MessageSujet: Re: L'appartement   L'appartement Icon_minitimeJeu 27 Juil à 18:57

Et voilà, il ne vous reste plus qu'à mettre quelques épices et le plat est servit!
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MessageSujet: Re: L'appartement   L'appartement Icon_minitime

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