Plume de sang
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 Le dernier assassinat©

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Plume




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Date d'inscription : 07/03/2006

Le dernier assassinat© Empty
MessageSujet: Le dernier assassinat©   Le dernier assassinat© Icon_minitimeVen 29 Déc à 20:28

L'ensemble de cette oeuvre est propriété intégrale de son auteur.


Première partie : Le réveil des Démons

Le jour se levait dans le désert d’Yrael, ravivant le vent salé des côtes orientales de la mer infinie. Deux vautours se disputaient le ciel afin de savoir lequel trouverait la première victime de la glaciale nuit. Nul obstacle, sinon une mince toile rapiécée, ne pouvait faire obstruction aux rayons aveuglants de l’aube qui agacèrent ses paupières jusqu’au fatidique moment où il les ouvrit, laissant ses clairs iris émeraudes s’abimer sous l’intensité de la lumière. S’habituant peu à peu, il se leva déjà habillé. La nuit avait été particulièrement froide, sans doute trouverait-il quelques cadavres de rongeurs aux abords de sa tente. Il prit grand soin de plier son étoffe de laine et de fixer un poignard d’os à sa ceinture avant de se dévoiler au grand jour. À peine quelques pas lui firent rebrousser chemin. Il était hors de question qu’il sorte sans se couvrir la tête. Prenant sa cape qui trainait dans un coin, il la noua à son cou et rabattit le capuchon jusqu’à ses yeux et noua un morceau de lin lui couvrant la figure du nez au coup. À présent, le sable pouvait bien danser, il n’en serait guère aveuglé.

Marchant en périphérie de la tente, l’homme se retournait régulièrement afin de s’assurer qu’il saurait retrouver son chemin. Précaution inutile puisque cela faisait trois hivers qu’il passait à cet endroit. Son pied buta sur un corps rigide. Il retourna le sable du revers de sa main qui dévoila un petit lièvre à la fourrure grisâtre tournant au blanc, inhabituel pour cette région. Le prenant par la queue, il le fit tourner devant ses yeux afin de s’assurer qu’aucune trace de morsure n’était apparente; la rémanence du venin des crotales d’Yrael était telle que son effet se transmettait à quiconque gouterait au sang de l’animal. Satisfait, le traqueur dissimula sa trouvaille sous ses vêtements afin d’éviter une querelle avec les vautours qui criaient au-dessus de sa tête. Enfin de retour à la tente, il y pénétra en retirant son capuchon.

Celle-ci était comme il l’avait laissé à l’exception d’un être difforme se tenant devant lui. À prime abord, il ressemblait à l’un de ces ermites qu’on rencontre dans les régions tropicales de l’autre côté de la mer. Chauve et édenté, cet être rachitique lui souriait du mieux qu’il le pouvait, aérant ses gencives fétides et pourrissantes. Sa peau basanée et cuirassée dépassant de sous ses haillons humides de sueur contredisait l’hypothèse d’un homme de l’est, il était bel et bien de la région.

–N’en soyez guère étonné Monseigneur. Si le vieux Azyr est venu vous visiter, c’est qu’il y a une raison là-dedans.

Chaque parole envoyait un nuage pestilentiel au nez du trappeur qui recula, dégoûté.

–Soyez conscient que vous êtes dans ma tente et que, selon les lois qui régissent ce royaume, je puis vous châtier à ma guise, horrible mendiant.

Le vieux ricana. L’on aurait dit une quinte de toux tant il avait de la difficulté à respirer. Sa main disparut un instant dans sa manche pour ressortir, une bague au doigt, un simple jonc de cuivre orné d’une pierre noire taillée en triangle symbolisant la principauté Ythil. Balançant sa main sous le nez de son interlocuteur stupéfait, il s’écria.

–Vous ne pouvez rien faire puisque je représente cette loi dont vous parlez. Qui plus est, sans doute serait-il intéressant de mentionner que vous êtes toujours recherché, Démon.

Ce titre surpris l’homme qui poussa violemment le prétendu garde, l’obligeant à s’étendre sur le sol.

–Je ne connais guère les explications qui vous permettent d’avancer de telles accusations envers moi, inconnu. Sachez que j’ai toujours vécu dans cette région isolée pour des raisons qui sont propres à mon éducation et je vous serais reconnaissant de sortir d’ici, que vous soyez ou non ce que vous prétendez être.

Le visage du vieil homme se durcit soudainement. Portant sa main baguée à la manche opposé, il n’eut le temps de sortir de son poignard que la garde enrubannée avant que son adversaire se retrouva derrière lui. Durant cette transition, il avait lui-même empoigné sa dague et l’avait fait glisser le long du cou du vieillard. La lame de ce dernier tomba au sol, amortie par le tas que formait la couverture de laine. Il porta sa main à son cou puis devant ses yeux. Constatant les dégâts considérables qu’avait faits son adversaire, il murmura avant de sombrer dans le tourment éternel.

–Puisses-tu honorer ton tire, Démon de la Rouge.

Observant le sang imbiber la toile sous ses pieds, le meurtrier jeta son arme osseuse et retourna à l’extérieur, semblant étouffer. Son regard se perdait entre la noirceur et la réalité. Un mirage démesuré s’imposait à son esprit, faisant tournoyer le paysage. Des cris aigus, ceux d’une fillette. Cette supplication lui était familière… il s’écroula, la joue dans le sable brulant.

Lorsque ses yeux se rouvrirent, il était étendu sur des peaux. À ses côtés, un homme trempait des linges dans une solution parfumée qu’il lui déposait sur le corps.

–Déjà de retour parmi nous, Azmaïl?

Il tourna le cou, sifflant sous l’ampleur de la douleur qui faisait battre celui-ci.


–Ne bougez pas, votre peau a gondolée sous le soleil. Vous êtes chanceux que je ne fasse pas confiance à Azyr, sans quoi vous seriez déjà mort.

–Que me voulez-vous?
–Allons donc, vous ne reconnaissez même pas votre sauveur? Ces années d’exil vous ont-elles fait oublier la Rouge?

Avec un effort surhumain, surmontant la douleur lancinante de la morsure solaire, Azmaïl finit par tourner la tête vers cet homme. Savait-il seulement de quoi il parlait? Plissant les yeux, il cracha un caillot de sang sur la pierre froide du sol.

–Est-ce de cette façon que les Démons expriment leur gratitude? Il faut dire que ces temps-ci, ils se font plus rares ceux qui les ont connus. Moi-même, j’ai failli être victime de celle vivant aux confins de la cité dorée d’Ophydia…

À ces mots, Azmaïl se releva derechef, empoignant le guérisseur par le cou. Il en profita pour examiner ses traits qui, somme toute, étaient assez banals. Des yeux sombres et le crâne dégarni, il avait tout l’air d’un de ces moines montagnards. De plus, ce sifflement qu’il entendait depuis son arrivée, était-ce…

–… le vent, vous êtes bien chez vous. Pardonnez mon impolitesse, j’en oubliais les présentations. Mon nom est Rachid, digne fils de la Rouge, pour vous servir.

Azmaïl relâcha, stupéfait, son emprise. Laissant l’homme s’incliner respectueusement, il roula de son lit afin de baiser sa main.

–En quoi, moi, Azmaïl le traître, démon déchu, puis-je aider votre Grâce?
–D’abord en vous rhabillant. Ensuite rejoignez-moi dans la salle des archives. Malgré votre absence je doute fort que de tels lieux se soient échappés de vos souvenirs. La Rouge vous y attendra.
Puis, Rachid quitta la pièce, l’écho de ses pas s’estompa, plongeant Azmaïl dans une quiétude totale. Des vêtements soigneusement pliés l’attendait, les mêmes qu’il portait avant son départ. Une longue toge d’un rouge sombre ornée d’une capuche et d’un voile qu’il pouvait rabattre sur son visage lorsqu’il en sentirait le besoin. Devant la Rouge, il était de mise de le porter mais de conserver la tête nue. En l’enfilant, il se rappela à quel point ce tissu semblait enchanté. Conservant le corps au chaud sans peser sur les épaules et ne gênant aucunement les mouvements, on racontait que seuls les Dieux se paraient de tels vêtements. Glissant ses bras dans les longues manches qui descendaient un peu plus bas que les doigts, il remarqua que ses coutures, seuls véritables fourreaux, avaient résistés au temps. Il la noua à l’aide d’un ruban de même fabrication. Cependant, un second attira son attention et le fit sourire. Une corde noire, il serait donc capitaine. Tout en la serrant sur son bras, il se dirigea calmement vers la bibliothèque.

En poussant la porte, il trouva la Rouge, dissimulée derrière son habituel voile sombre, au fond de la pièce. Avançant fébrilement parmi tous ces livres qu’il avait si souvent lus et relus du temps où il était l’élève de son prédécesseur, ses souvenirs s’énervèrent ce qui le fit tituber. Un rire aigu hanta la pièce de longues secondes, le désorientant encore plus.

–Allons donc, mon cher, oubliez toute fuite et venez vous asseoir près de moi.

Car s’il avait une intention en tête, c’était bien celle de quitter les lieux pendant qu’il était encore temps. Or, la Rouge lisait dans ses mouvements comme elle lirait dans les pensées d’un faible, ou l’était-il devenu? Pas de réponse, il poussa un long soupir de soulagement en s’approchant du voile. S’inclinant comme le voulait la tradition, il déposa un point contre terre sur lequel il prit appuis avant de s’assoir en tailleur, les mains sur ses genoux.
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