Plume de sang
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 Adieux

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Plume




Nombre de messages : 121
Date d'inscription : 07/03/2006

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MessageSujet: Adieux   Adieux Icon_minitimeLun 13 Nov à 19:55

Adieux

Le crissement de la plume s’est tu. Sous la tutelle de ta voix, j’ai composé une symphonie aux larmes, une litanie de désespoir. Je l’ai écrite avec les mots que tu détestais entendre, ces termes à l’antipode de ta couverture. Je me lève et cède la place à ton chagrin qui appose sa griffe au bas de cette lettre sous le ‘’adieu’’. Ce n’est pas vraiment toi qui es assise. Ce ne peut être la bouffonne qui pleure, l’enfant chérie qui souffre. La vie dans son plus gracieux sens va mourir pour son bien.

–Penses-y encore. Tu ne peux…
Ma stupeur était telle que je n’ai vu ce doigt se poser sur mes lèvres.

Je tente d’agripper cette main qui m’est si douce mais elle s’échappe comme ta raison a toujours fuie la mienne. Si faible, je suis tant éreinté par le coup des dernières heures que je ne puis retenir ta fugue dans la pièce voisine. Il fait noir dehors, les nuages passent et dépassent la lune, laissant filtrer quelques reflets blancs. Si tu voyais le jardin. Le rosier est en fleur. Un pétale se détache de la plus grande sous la caresse chaude du vent et virevolte pour se poser dans les pins. Cette atrophie était-elle nécessaire? Je suis ce pin et ne retiendrai de toi qu’une infime partie de ton être; celle qui a osé se confier, me mentir.

Je m’approche de la porte, une force invisible m’empêche de l’ouvrir. Je ne puis m’inviter. Tu ne souhaiterais pas que ton laquais des jours changeants soit témoin de cette disgrâce. Ou au contraire, le souhaites-tu? Cette dualité me fait hésiter. Je finis par m’assoir en tailleur et regarder la poignée, espérant qu’elle tourne d’elle-même. La chandelle s’épuise puis s’éteint. La lune se dissimule à nouveau à mes espoirs.

J’étais venu pour ton amour, la pesanteur du noir m’y soustrait désormais.

Solitude, silence. Je mords mes lèvres, retenant un océan de larmes, comme tu le faisais si souvent dans pareilles circonstances. Lorsque le noir t’y contraignait, lorsque ta mort paraissait imminente. Elle aura pris deux ans à s’imposer.

J’ouvre la porte et me risque dans ce sanctuaire entrevu si souvent en rêve. L’ambiance y était plus favorable à la joie qu’aujourd’hui. J’avance à tâtons jusqu’à ce que la lune éclaire tes pieds nus d’une blancheur si pure et, à la fois, trop cadavérique. Ils ne réagissent pas à mes timides tentatives de sentir une parcelle de vie. Cette vitalité, si présente et souriante à laquelle tu m’avais habitué. La fenêtre de laquelle tu me contais être maintes fois sorties est ouverte. Ton esprit fugue pour la dernière fois. Des fils d’ébènes auréolent ton front. Libres, détachés, majestueux; les cheveux du nouvel ange qui m’avait secrètement séduit.

À genou, mes barrières s’effondrent poussées par d’envahissantes larmes de remords. Je ne t’ai jamais avoué mes secrets alors que tu me les confiais comme à un protecteur. Je ne t’ai jamais montré cet ouvrage alors que tu étais ma muse. J’aurais tant dû savourer chaque instant passé avec toi au lieu de rêver à un futur qui restera dans les limbes de mes fantasmes. Il est trop tard, je ne pourrais t’exprimer mes remerciements les plus sincères; tu es si loin.

Mais tu n’es pas morte. Volage, le corps s’est endormi pendant que ton âme flotte vers d’autres terres. Tu reviendras par cette fenêtre, je n’y serai plus. Je m’approche de ton visage serein, prend cette bouteille de somnifère et la dissimule sous ta table de chevet. Des papiers s’y trouvent : «Sonnet joli», «S’il fallait», «La dernière danse», «Le baiser»… Ces textes que pour toi j’avais écrits. Tant d’autres resteront inconnus, ne méritant d’être montrés. Je me relève et monte tes draps jusqu’à tes épaules. ‘’Je t’aime’’ me viens aux lèvres, mais je le ravale comme j’aurais dû le faire pour éviter ce départ.
Je laisse ma belle et retourne à ma plume. Devant moi se dessine cette damné lettre, horrible chose écrite pour une nymphe. Je la broie, la dévore; animal enragé par ses bévues. Tu mérites mieux en temps de deuil.

Je pige une autre feuille d’une main tremblante. Des lettres se tracent, désolantes, autour d’un titre évocateur.

Elle aura vécue

Elle aura vécu devant moi
Fragile vase rempli de bonté
Brisé, cassé par mille émois
Que nul n’aura su recollé.

Elle aura vécu à mon oreille
Par un petit rire qui émerveille
Un brin de bonheur, caresse au tympan
Que jamais plus je n’entends

Elle aura vécu à mes yeux
Éternelle fleur des bois
Perdus où les adieux, tant de vœux
Restent et croulent en moi

Elle aura vécu à ma bouche
Un compliment sans retenue
Une ballade lorsque je me couche
«Je l’ai aimée n’en parlons plus»

Elle aura vécu en moi
Une idée, tant de valeurs
Agréable minois
Distrayant mes peurs

Elle aura vécu, ma muse
Et elle n’est plus ce soir
De l’encre, j’abuse
Sans espérer la revoir

L’oubli aura raison d’elle
Mon écriture sera lapidée
Et ma seule folie sera celle
De me répéter : «Elle aura vécu»


Je signe mon vrai nom et plie également la feuille. Elle sera sur cette table, à côté de la chandelle épuisée. Ne me rejoint pas au pont des souvenirs. Il perdrait son sens et moi la tête.

Dort… quelqu’un d’autre te réveillera
Dort… jamais plus tu m’entendras.



22 septembre 2006.
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